Marre
Voilà. Comme un marronnier sanglant pour tirer la presse de la léthargie estivale, israéliens et palestiniens se foutent sur la gueule.
Je devrai m’en foutre: je n’ai pas de famille là-bas, je n’y ai jamais mis les pieds et le coin ne m’attire pas pour voyager (contrairement à la Turquie, par exemple). Israël, Palestine, ça ne me parle pas. Pourtant je ne peux pas être indifférent. D’abord en tant qu’humain, genre de citoyen du monde, mais surtout en tant que juif, plus ou moins. Une partie de ma famille était juive, et j’en ai reçu des choses. Des valeurs, une forme d’esprit, un humour, pour le plus tangible. Une vision de l’histoire aussi, un « plus jamais ça » comme ressort militant. Toutes choses que j’ai mariées avec d’autres héritages et qui font que je suis tranquille dans mon identité mêlée, sans m’inquiéter si je rentre dans un moule binaire « juif » ou « pas juif ». Or Israël est un Etat exceptionnel, qui ne doit son statut particulier qu’à ce qu’il est le refuge de tout juif après l’extermination. Le mien peut-être si c’était un jour nécessaire, ou celui de mes enfants. Je n’y pense jamais, mais comment ne jamais y penser?
Longtemps, j’ai jugé Israël à cette aune. Parce qu’il est né du massacre des miens, dont aucune autre mémoire ne reste que leur mort, parce qu’il avait vocation à accueillir et abriter toutes les personnes juives menacées en son sein, dans un cadre solidaire, je l’ai chargé d’impératifs moraux. Israël devait être parfait, tout simplement. Ne pas infliger aux autres le début de ce qu’on a connu soi-même. Mais c’était puéril et j’ai grandi. Israël est un pays comme un autre, ses habitants un peuple comme un autre. Ils ne sont pas pire et il n’y a aucune raison qu’ils soient si meilleurs. Ils sont en guerre quotidienne avec leur voisins depuis 60 ans et personne n’encaisse cette réalité dans la durée sans nourrir de haine. Israël n’est pas une société idéale, c’est un gros Shtetl surarmé.
Et j’en ai marre. Marre que la souffrance des miens, il y a un demi-siècle, soit instrumentalisée aujourd’hui pour une guerre sale dont les enfants sont les premières victimes. Sous couvert de répondre à des attaques terroristes, Israël développe une politique de conquête territoriale. On bombarde un quartier, on érige un mur dans la profondeur, on construit une colonie. Et on recommence deux ans après. Rien d’exceptionnel là-dedans.
La fin de l’exception Israël
Israël est de moins en moins porteur de la mémoire du génocide, parce que les chemins ont divergé. D’un côté, l’Etat Israélien poursuit désormais des buts qui lui sont propres, et qui ne sont plus déterminés par l’existence d’une diaspora juive. Il s’est installé dans son environnement et a en quelques sortes pris son indépendance par rapport aux circonstances de sa création, même s’il en conserve des caractères. Il a absorbé massivement les juifs du maghreb, soviétiques et ethiopiens, qui portent d’autres mémoires. De l’autre, les diasporas qui continuent à vivre ailleurs ont largement réinvesti localement la mémoire. Le lien se fait sur place, et il faut un choc comme la forte montée des agressions antisémites après l’affaire Merah pour revitaliser les départs vers Israël. Le résultat est que pour de plus en plus de personnes, et notamment les nouvelles générations de la diaspora juive, le capital d’intouchabilité d’Israël s’épuise. Les morts sont morts il y a soixante ans. Leurs enfants se retirent à leur tour de la vie active israélienne, et laissent la barre à des petits enfants dont le lien est moins direct, moins charnel.
Est-ce que ça remet en cause le « droit sacré » à l’existence d’Israël? Nullement. Simplement, il est de moins en moins sacré et ressemble de plus en plus au droit de tout pays, de tout peuple, à exister. La saisie du territoire contre les palestiniens a été un coup de force, accompagnés de crimes de guerre? Oui. Et après? C’était il y a soixante ans, les morts sont morts depuis belle lurette et de nouvelles générations sont là. Ira-t-on expulser à leur tour des gens de leur maison parce que des palestiniens y vivaient il y’a un demi-siècle? L’Histoire est passée par là, tout simplement, et les vivants ont assez à faire avec eux-mêmes.
Les conflits pour le territoire sont monnaie courante, et on est bien en peine de désigner un gentil ou un méchant. Les initiatives de paix sont venues tantôt d’un côté, tantôt de l’autre. Les Palestiniens sont divisés entre un gouvernement central qui recherche la négociation et un Hamas l’épreuve de force. La disproportion des morts vient de l’absence d’armée moderne côté palestinien. S’ils avaient les mêmes moyens que Tsahal, combien joyeusement le Hamas ferait sauter écoles et hôpitaux ! Et ne soyons pas naïfs sur le caractère sanguinaire de l’armée israélienne: où en seraient l’armée, la société française au bout de soixante ans de guerre d’Algérie? Cela n’autorise pas pour autant Israël à réaliser des bombardements indiscriminés dont les premières et nombreuses victimes sont les populations civiles. Les responsables militaires et politiques d’Israël feraient bien de se souvenir que le droit humanitaire et le droit de la guerre sont en train d’évoluer, et que plusieurs pays – dont la France – se sont désormais dotés d’une compétence universelle de répression des crimes de guerre. Qu’ils songent un peu à leurs vieux jours.
La Paix, maintenant?
Tout ceci soulève une question centrale: où est passé le camp de la Paix en Israël? Quelques troupes maigrelettes, d’anciens leaders qui tiennent des discours de maréchal des logis… Il reste des forces de paix côté Palestine, même si elles sont en perte de dynamique, mais côté israélien c’est très problématique. Pourquoi? J’entends beaucoup de réponses, la lassitude devant un conflit qui s’éternise, la montée des revendications catégorielles (retraités, ultra-orthodoxes) dans un système parlementaire qui fait passer la quatrième République pour une aimable plaisanterie, l’évolution démographique d’un peuple qui a intégré des masses d’immigrés (ou sont les ashkénazes partis, mon bon ami?), le renforcement numérique des pieux à bigoudis qui font neuf enfants par femme… mais ce que j’entends c’est d’abord la progression générale du racisme. Pourquoi maintenant, alors que dans les fait Israël n’a jamais été aussi peu menacé par le monde arabe et ne doit souffrir que quelques attentats terroristes?
Parce qu’Israël a commis la faute majeure: séparer les populations. Le projet européen, pour éviter toute future guerre entre la France et l’Allemagne, n’était pas de répandre des flots d’amour entre les deux pays. C’était de les obliger à se fréquenter. Se fréquenter pour gérer le commerce, l’agriculture, le charbon et l’acier. Se fréquenter pour apprendre. Se fréquenter pour travailler. Se fréquenter pour écrire une histoire commune. Se fréquenter pour se connaître. Je ne suis pas devenu un fan de l’Allemagne, mais j’ai des liens et je ne les hais point. Tranquille.
Là-bas, non. Rencontrer des palestiniens tous les jours? Fini. Travailler avec eux? Fini. Leur acheter des légumes? Fini. Partager un café éventuellement? Fini. Chacun raconte aux nouvelles générations son histoire bien à lui, qui n’a rien à voir avec celle du voisin. Les fouilles sont interdites, parce qu’on a peur de ce qu’on peut trouver dans les siècles. Dix ans de ce régime et les jeunes arrivent à l’âge où on se tue sans avoir pu faire l’expérience d’autre chose, ou alors très petit. Le Palestinien est de moins en moins machin du coin de la rue, et de plus en plus un fantasme de kamikaze.
Il faudra bien un jour qu’ils enterrent la hache de guerre. Pourquoi pas maintenant après tout? Ou demain… Notre responsabilité d’européens est de pousser sans cesse à la négociation sincère, et de sanctionner les actes inacceptables. Les bombardements de population civile, la lente conquête des terres ne peuvent pas rester sans réponse.
Connards de France
Et ici, pitié quoi… Des tarés racistes qui veulent péter le voisin on en a toujours eu. Mais franchement on est pas obligé de leur donner du grain à moudre, et les esprits s’échauffent un peu trop.
Merci aux « représentants » de la « communauté » juive d’endosser tout acte du gouvernement israélien quelque soit la majorité au pouvoir. Parce qu’un juif de France est forcément d’accord avec ce que fait le gouvernement israélien et on ne peut pas le critiquer sans être antisémite un peu quand même. Sur place, tous les juifs israéliens sont d’accord avec leur gouvernement? Non? Alors foutez-nous la paix quoi! Tout ce qu’ont gagné ces lobbyistes à deux balles, c’est d’avoir tracé un gros trait « égale » entre le type qui tient sa boutique casher à Sarcelles et des généraux qui font tomber les bombes sur des écoles. Des foules de propagandistes antisémites n’auraient pas fait mieux!
Merci à leurs homologues, qui font de la Palestine un « bled » fantasmé et idéal et transposent le racisme et l’exclusion vécus par les arabes français sur les persécution de la population palestinienne. Déjà quand t’es juif, t’as pas forcément grand-chose en commun avec Israël, mais alors quand t’es arabe ou musulman vivant en France, la Palestine a un peu rien à voir avec la choucroute.
Merci aux brutes de tous les bords, qui trouvent dans ce conflit un prétexte à affrontement rituel. « Viens on se retrouve devant la syna, viens on va te défoncer » , ça change du parvis de la Défense non? C’est plus noble tout de suite! Le conflit Israélo-Palestinien a trouvé ses supporteurs ultras : y’a des mecs qui se tapent à la faveur de chaque match PSG-OM. Ca n’a jamais aidé aucune de ces équipes à marquer un but de plus, mais c’est pas l’idée non plus. En revanche, parfois ça conduit à l’annulation du match.
Sauf qu’au lieu de de se désolidariser de ces rigolos pas drôles, chacun les protège vaguement au motif que « quand même, ils sont de notre côté ». Il est évident qu’il faut dissoudre la LDJ et poursuivre ses membres qui ont commis des violences. Mais non, on entend parler de la part de responsables de gamineries, de jeunes gens un peu chauds mais il faut les comprendre, ils sont provoqués. Et dans les grandes manifs pro-palestiniennes, bien officielles et bien responsables, c’est normal qu’il y ait des gens avec des slogans antisémites et des ananas? Le service d’ordre, il sert à quoi? On laisse faire?
Désolé, mais la République française où chacun peut vivre en paix, on va pas la construire en tolérant en marge des racistes violents parce qu’ils pourraient servir de milice d’auto-défense le jour où ça vire à la guerre civile.